Sortie des énergies fossiles, enjeu multi-sectoriel
Nous avons eu la chance de contribuer – via un interview avec Vert, a un sujet critique de la transition énergétique : la question de la sortie des énergies fossiles. Ce sujet, inévitable lors de COP28, revêt une complexité souvent méconnue.
Pour nous, avec notre expérience de la pétrochimie et notre pratique de la décarbonation, il est crucial de comprendre ce que signifie réellement l’abandon du gaz, du pétrole et du charbon. Dès le début de la COP28, plus d’une centaine de pays, dont les membres de l’Union européenne, ont exprimé le souhait d’une transition rapide hors des énergies fossiles, mais cette volonté politique se heurte à des réalités économiques et structurelles. Il faut être optimiste et déterminés dans la sortie des énergies fossiles, mais réalistes et pragmatiques quant au contexte et aux conséquences de cette transition.
De nombreux pays producteurs d’hydrocarbures s’opposent fermement à une telle transition, et c’est autour de cette résistance que trop de discussions se polarisent. En effet, en parallèle, la consommation mondiale d’énergies fossiles continue d’augmenter, malgré des prévisions de déclin à long terme. En France, par exemple, la part des fossiles dans la consommation finale n’a diminué que de 4 % en une décennie, ce qui soulève des questions sur l’efficacité des politiques actuelles.
Par ailleurs la sortie des fossiles ne doit pas être perçue uniquement comme un changement de modèle énergétique. Les hydrocarbures sont omniprésents dans notre quotidien, allant bien au-delà de la simple production d’énergie. Environ 25 % du pétrole brut est utilisé dans des applications non énergétiques, comme la production de matériaux et de produits chimiques. Par exemple, le processus de fabrication d’éoliennes ou de véhicules électriques dépend encore fortement de ces ressources.
Le GIEC prévoit une réduction de 60 % de la consommation de pétrole et de 45 % du gaz d’ici 2050 pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C. Cependant, pour réussir cette transition, tous les usages des hydrocarbures doivent diminuer simultanément. Les interconnexions entre les différentes applications des hydrocarbures rendent la transition encore plus complexe. En effet, une réduction dans un domaine peut entraîner des surplus indésirables dans un autre, comme cela a été observé durant la pandémie de Covid-19.Les scénarios de neutralité carbone pour 2050 prévoient une électrification des transports, réduisant ainsi la demande en carburants. Pourtant, la capacité à réaffecter le pétrole vers des applications non énergétiques reste limitée. Il faut concentrer les investissements en recherche et développement pour explorer des alternatives viables a ces applications, en insistant sur la conversion des chaines carbonés. En effet, même s’il existe des solutions comme les plastiques biosourcés ou la chimie végétale, leur adoption est encore très limitée. La chimie biosourcée ne représente que 2 % du marché, et le recyclage des plastiques n’atteint que 10 % de la consommation. Il y a un enjeu d’échelle et de coût : le pétrole demeure moins cher que ses alternatives, rendant la sobriété indispensable pour réduire tous les usages.
En conclusion, la transition vers une économie sans fossiles nécessite une approche réfléchie et structurée, allant au-delà des simples injonctions aux pays producteurs d’hydrocarbures. Ce changement ne peut être brut et doit tenir compte des réalités socio-économiques, notamment pour les pays les plus vulnérables. Les défis sont nombreux, mais la nécessité de repenser nos dépendances aux fossiles est plus urgente que jamais.